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21 juillet 2014 1 21 /07 /juillet /2014 20:24

L’éradication du ver de Guinée en Côte d’Ivoire est salutaire. Mais le pays doit demeurer vigilant au sujet des autres Maladies tropicales négligées (Mtn) dont les taux de prévalence interpellent.

Quand vous voyez des personnes qui urinent du sang, il peut s’agir de la phase active de la bilharziose. C’est une maladie provoquée par les bilharzies. «Ce sont des vers parasites du système circulatoire de l’homme qui provoquent une émission de sang par les voies urinaires», signale Dr Romance Dissiéka. Elle est assistant des programmes à Helen Keller international et spécifiquement chargée des questions liées aux Maladies tropicales négligées (Mtn). Nous l’avons rencontrée à son bureau aux Deux-Plateaux, jeudi 10 juillet. Elle explique que le mode de contamination est simple. Ces vers passent par les pores ou par une ouverture quelconque lorsque l’individu est au contact d’une eau contaminée. «Une personne infectée, qui a le parasite dans son corps, va déféquer au bord de l’eau, donc lorsque quelqu’un d’autre vient nager dans cette eau, elle s’infecte à partir des larves déposées. Cette maladie se développe dans les communautés démunies qui n’ont pas accès à l’eau potable ou à un assainissement satisfaisant», argumente-t-elle.

Eléphantiasis, Akoupé détient la palme

Le médecin indique que la bilharziose fait partie des Mtn. «Il s’agit d’un groupe de maladies infectieuses, endémiques dans un certain nombre de pays en développement. Elles sont généralement associées à l’humidité, on parle de tropicale. Elles font partie de l’ensemble des pathologies qui concernent essentiellement des parasites, dans 90% des cas», précise-t-elle. A l’en croire, l’expression négligée vient du fait que ces maladies ont connu dans le passé une insistance thérapeutique. «Il y a eu un acharnement et un tapage dans la lutte contre ces maladies. Elles sont arrivées à un seuil d’élimination où elles n’existaient pratiquement plus. On a baissé les bras. La communauté internationale est restée statique. Et elles sont à présent en train de réapparaître en force», constate Dr Dissiéka. Devant cette situation, pour attirer l’attention populaire, l’Organisation mondiale de la santé (Oms) a regroupé ces affections dans le vocable Maladies tropicales négligées. Selon les chiffres officiels de l’année en cours, en Côte d’Ivoire, 80 districts sanitaires sur 82 sont endémiques de la bilharziose, encore appelée schistosomiase. La plus forte prévalence est enregistrée dans le district de Zouan-hounien avec 68,92%. Tanda et Nassian sont les zones qui font exception. En dehors de la bilharziose, on note, entre autres, l’éléphantiasis, l’onchocercose et les vers intestinaux pour ne citer que ces cas. Selon les mêmes statistiques, sur les 82 districts sanitaires que compte le pays, la filariose lymphatique, plus connue sous le nom d’éléphantiasis est endémique dans 61. Ceci, pour une population à risque de 17.443 064 soit 70.92% de la population générale. L’éléphantiasis provoque un épaississement de la peau et des tissus sous cutanés. C’est la première maladie transmise par des insectes à être découverte. La région d’Akoupé dans l’Agnéby-Tiassa arrache le plus grand taux de prévalence, soit 53,33%. L’onchocercose ou maladie des rivières causée par la piqûre de la mouche simulie, est une cause majeure de cécité dans les pays africains. Les cas existent en Côte d’Ivoire dans 57 districts sanitaires. Par contre, tout le pays est endémique en ce qui concerne les vers intestinaux ou les géohelminthiases. Sakassou enregistre 22,67%, soit le taux le plus élevé.

Les informations recueillies indiquent que ces maladies touchent toutes les tranches d’âge. Selon un médecin du programme de lutte contre la schistosomiase, les géohelminthiases et la filariose lymphatique, qui a requis l’anonymat, «les modes de transmission des Mtn sont de deux ordres. Les transmissions par vecteur, et les transmissions directes. Les vecteurs sont les insectes. On parle de transmission directe lorsqu’elle se fait par les pores ou par une ouverture quelconque sur la peau.» Ainsi, l’onchocercose est due à une mouche qu’on appelle la simulie. Elle vit aux abords des cours d’eau qui ont un débit rapide. Quant à la filariose lymphatique, il s’agit du même moustique qui donne le paludisme, c'est-à-dire l’anophèle. Ces maladies sont négligées alors que la prise en charge n’est pas coûteuse. «Avec moins de 500 FCfa, on peut traiter une personne. Nous venons de faire un plan d’actions pour le traitement de 55 districts et prise en charge qui va coûter, 0,38 FCfa par habitant. Ce qui est pratiquement rien en comparaison des autres maladies qui connaissent un tapage médiatique», analyse la spécialiste à Helen Keller.

Un traitement pourtant moins coûteux

Elle ajoute que les médicaments sont donnés gratuitement par des firmes pharmaceutiques. Et que des traitements permettent de prévenir l’évolution de certaines affections. Toutefois, ces affections sont pour la plupart invalidantes. «Lorsqu’un individu est au stade de l’éléphantiasis, on ne peut plus rien faire. Il est en de même avec l’onchocercose ou cécité des rivières», révèle Dr Dissiéka. L’OMS commente que les Mtn ont des conséquences néfastes sur la santé et le développement socio-économique de nombreuses communautés dans les pays en développement, notamment les pays à faible revenu. Ce sont des maladies affectant presque exclusivement la population pauvre et impuissante, vivant dans les régions rurales et les quartiers défavorisés. Dans le monde, il existe beaucoup de Mtn. Mais l’OMS a retenu dix maladies. Parmi celles-ci, la filariose lymphatique vient en tête du classement en Côte d’Ivoire. Suivent la bilharziose, l’onchocercose, le trachome, la lèpre, l’ulcère de buruli, la trypanosomiase humaine africaine ou maladie du sommeil. Des Mtn sont traitées avec la prise des médicaments. C’est le cas par exemple pour les vers intestinaux, l’onchocercose. Une catégorie nécessite une prise en charge, comme l’ulcère de buruli et la lèpre. Certaines maladies sont curatives et d’autres ne le sont pas. D’où l’importance de la prévention.

Mode de prévention et d’éradication de ces maladies

Les spécialistes recommandent à la population de suivre les conseils d’usage en matière d’hygiène. Selon eux, il faut éviter le contact avec le vecteur. Ce qui sous-entend de se laver les mains après les selles, d’utiliser les latrines, de désherber les alentours de la maison et d’éviter les poches d’eau. «Les vers intestinaux, par exemple, sont transmis par le sol. On insiste donc sur le lavage des mains avant et après les repas. Il faut surtout sensibiliser les enfants. Car ce sont ceux-là qui jouent dans le sable et les flaques d’eau», persiste Dr Romance Dissiéka, assistant des programmes à Helen Keller international. Dans ce genre de maladie, l’accent est mis sur la prévention. Ceci, par l’administration de certains médicaments. C’est en ce sens que San Pedro, Soubré, Sassandra et Gueyo ont bénéficié en juin 2014 d’un traitement de masse. Il ressort des explications de la praticienne que les populations répondent favorablement. Toutefois, elle indique qu’il faut poursuivre la sensibilisation de proximité. «Il faut emmener les populations à véritablement prendre les médicaments qu’on leur donne. Car il s’agit d’un traitement intégré. Les deux médicaments qu’on leur procure agissent pour trois maladies», indique la spécialiste des maladies négligées. A ce titre, elle cite la filariose lymphatique, l’onchocercose et les vers intestinaux. L’éléphantiasis doit être traité chaque année pendant cinq ans au moins. Pour l’onchocercose, pendant dix ans, souligne-t-on. Pour la bilharziose, c’est en fonction du taux de prévalence, d’infection de la zone. Le traitement se fait pendant quatre ans. La réalisation de la cartographie de la bilharziose, par exemple, selon elle, a permis de débuter le traitement des enfants d’âge scolaire dans 12 districts en 2012, 16 en 2013 et 17 en 2014. Les moyens de lutte nécessitent aussi une intervention sur le vecteur et l’environnement. «Pour le vecteur, il y a ce qu’on appelle la recherche ontologique, collecter le taux de charge des parasites. Ensuite, il y a des produits qu’on utilise pour les éliminer. Pour le moustique, on parle d’insecticide. Cela fonctionne avec la mouche mais à des degrés supérieurs. Le mollusque, il faut le détruire dans son habitat, c'est-à-dire dans l’eau», note un médecin du programme de lutte contre la schistosomiase, les géohelminthiases et la filariose lymphatique qui a requis l’anonymat. Il souligne que pour détruire le mollusque, il faut un produit particulier à mettre dans l’eau. Ce qui peut rendre l’eau impropre à la consommation. «Il faut donc trouver un mécanisme pour traiter, détruire, tout en préservant la potabilité de l’eau. Les recherches se poursuivent», ajoute l’expert. Le Programme national de lutte contre la schistosomiase, les géohelminthiases et la filariose lymphatique existe depuis 2007. Aujourd’hui, il est de plus en plus question d’accroître la sensibilisation, tout en poursuivant les traitements de masse.

Nesmon De Laure

Les populations des quartiers précaires, les plus exposées.(photo Dr)

Les populations des quartiers précaires, les plus exposées.(photo Dr)

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