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27 novembre 2013 3 27 /11 /novembre /2013 10:42

L’immeuble R+4 en construction écroulé à la suite de la pluie, lundi dernier, à la Riviera Palmeraie est le quatrième incident du genre dans la zone.

Les larmes dans le coin des yeux, la sœur de l’aide-maçon K. D. n’en revient pas ce mardi matin. Depuis lundi soir jusqu’à hier à dix huit heures, les secours tentaient en vain de retirer son frère des décombres de l’immeuble écroulé à la suite de la pluie. L’événement se déroule non loin de l’école de danse de l’artiste Marie Rose Guiraud. La jeune dame, encore sous le choc, ne trouve pas de mots pour répondre aux questions des journalistes.

Une zone maudite ?

L’accident a fait deux blessés conduits au Centre hospitalier universitaire de Cocody. Les secours n’avaient pas encore conclu à la mort du disparu. Quant aux riverains, ils ne cachent pas leur indignation. « Comment peut-on prendre un fer 6 pour le soubassement d’un immeuble ? Le monsieur a mal agi », récrimine un badaud qui impute la responsabilité du drame au propriétaire. Pendant ce temps, un jeune homme présenté comme le fils du maître des lieux accuse le coup. « Vous les journalistes, laissez moi tranquille. Actuellement, je n’ai pas le temps pour vous », refuse-t-il de se prononcer. L’accident du lundi soir n’est pas le premier du genre dans la commune de Cocody. Le 14 septembre dernier, toujours à la Palmeraie, un immeuble de deux étages, inhabité, s’est effondré sur sept véhicules, à la surprise générale. Témoignant dans le quotidien l’Intelligent d’Abidjan, Issiaka K., maçon, a indexé le non-respect des normes de construction. « Ce sont des barres de fer de dimension 8 qui ont été utilisées en lieu et place de 14 comme l’exigent les normes », s’indignait-il. Le maçon constate également un déficit au niveau des poteaux. « Par exemple, sur 20 mètres, on devrait avoir 8 poteaux et au milieu, 3 poteaux. Ce qui n’est pas le cas », constate-t-il.

En juin 2010, deux immeubles ont été également engloutis à la Riviera Bonoumin alors que la saison des pluies battait son plein. A l’époque des faits, les responsables de la mairie de Cocody ont lié l’inondation à des travaux publics. « Les canalisations sont étroites à cause des constructions anarchiques dans les ravins », accuse Gogoua Germain, agent au service technique. En mai dernier, un immeuble s’est aussi écroulé à Cocody-Angré.

Pourquoi ces incidents ont-ils lieu dans la même zone ? Le quartier est-il maudit? Kobenan Bruno, sous-directeur de l’urbanisme à la mairie de Cocody, rencontré hier sur le récent site sinistré, est convaincu du contraire. Il indexe plutôt la « mauvaise foi des constructeurs. » « Pour les quatre cas d’effondrement d’immeuble, les propriétaires n’avaient pas leurs documents de construction à jour. Souvent, ils ne payent pas les frais de l’architecte. Ce qui fait que le travail n’est pas bien mené », révèle-t-il. Pour le cas spécifique du carrefour Marie Rose Guiraud, le sous-directeur détaille qu’ « à la suite d’un contrôle, il était inscrit la mention ‘’à démolir’’. Mais elle a été effacée. Et ils ont poursuivi les travaux en fermant la devanture », se désole-t-il. Approché à nouveau pour recueillir sa version au sujet de la mention en question, le fils du propriétaire s’est refusé à tout commentaire. « Madame, laissez-moi », s’est-il emporté.

L’éclairage de la mairie

Toutefois, nous apprenons, de source policière, qu’une enquête est ouverte sur le sujet pour mieux situer les responsabilités. La même source prévient qu’on pourrait conclure à un meurtre et à des blessures involontaires, une fois les responsabilités clairement situées. Dans ce cas d’espèce, il appartiendra au droit pénal d’intervenir pour les réparations. Afin de comprendre davantage l’enchaînement des effondrements de maisons à étage, nous avons contacté, par téléphone, Soro Doté, président national des entrepreneurs en bâtiments et travaux publics de Côte d’Ivoire. Le spécialiste est formel. « En général, les propriétaires ne sondent pas le sol avant de construire. Or, en cas d’incompatibilité avec le sol, un immeuble peut s’écrouler. Les poteaux et les murs porteurs doivent se faire à la dimension du bâtiment. Il en est de même pour le dosage et la qualité des matériaux. Si le constructeur utilise le fer 6 au lieu du fer 16, il y aura forcément problème.» Selon lui, pour bâtir un immeuble R+4, par exemple, il faut environ trois mois. Il précise qu’il faut au moins 21 jours entre la construction des différentes dalles. Cependant, remarque M Soro, certains, plus pressés, n’excèdent pas l’intervalle de 15 jours. Par ailleurs, pour maintenir un immeuble habité en bon état, Soro Doté déconseille le drainage : « il faut éviter que l’eau coule à côté du mur. Cela peut causer un écroulement à la longue. »

Les explications du ministère de la Construction

Une source proche du ministre de la Construction, contactée dans la soirée hier, constate également que les immeubles s’écroulent de plus en plus. Un fait inhabituel dans le passé. « Nous sommes conscients du problème. Et nous poursuivons la sensibilisation sur le respect des normes. Nous interpellons également ceux qui ne respectent pas les règles », soutient la source. Qui explique que pour le dernier cas en date, le permis de construire n’a pas été délivré par le ministère. Pourquoi les immeubles « à démolir » ne le sont plus après le marquage par les services du ministère? « C’est parce que les concernés finissent par se mettre en règle », poursuit l’interlocuteur qui promet un rendez-vous avec les services techniques pour mieux élucider le sujet.

Nesmon De Laure

Les débris de l'immeuble écroulé lundi à la Riviera Palmeraie (photo: Noel Z)

Les débris de l'immeuble écroulé lundi à la Riviera Palmeraie (photo: Noel Z)

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