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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 15:29
 La sculpture de l’homme de l’âge de la pierre par l’artiste Emmanuel Fremeit exposée en 1899 attire les curieux au musée. (ph: Nesmon D)
La sculpture de l’homme de l’âge de la pierre par l’artiste Emmanuel Fremeit exposée en 1899 attire les curieux au musée. (ph: Nesmon D)

Dans un contexte marqué par les attentats et les amalgames qui s’en sont suivi, nous avons visité le Musée de l’homme de Paris, le 11 décembre dernier. Ce site rempli d’objets et de symboles sur les origines de l’homme nargue les extrémistes de tous les bords.

Le crâne authentique de Cro-Magnon I dit le vieillard. Le crâne authentique de la femme de l’abri Petaud, etc. Grâce aux ossements qu’ils ont laissés, vos ancêtres, les homos sapiens, se retrouvent ici, au Musée de l’homme de Paris. Conservés à l’intérieur d’un site imposant en plein cœur de la capitale française. Ceux qui ont existé 20 mille ans avant votre ère rappellent aux visiteurs leurs origines communes. Le crâne de l’homme de Neandertal, celui de l’homo erectus et l’homme de l’âge de la pierre ne laissent pas non plus insensibles. Des curieux se photographient devant ces ossements. Un homme accompagné de sa famille lâche sur un brin d’humour : « Nous n’étions pas beaux hein ».

Le Musée est riche, entre autres, d’une collection de 30 mille spécimens et représentations du corps humain, témoignant de la diversité et de l’unicité des hommes modernes. Des bustes d’hommes noirs et blancs connus ou inconnus, des momies et des squelettes se côtoient. En tous cas, lorsqu’on pénètre l’enceinte de ce sanctuaire ce vendredi 11 décembre, on est frappé par la diversité représentée. L’Afrique, berceau de l’humanité, y est fortement présente par les vestiges trouvés des fouilles archéologiques. L’Afrique contemporaine s’y exprime également. Le minicar de transport en commun du Sénégal est attractif. Ceux qui veulent en savoir davantage prennent place sur les sièges. Des écrans animés à travers les vitres du véhicule procurent la sensation du voyage. Ainsi, des scènes du quotidien dakarois se succèdent au fil des minutes. Le Bambara fait aussi partie des langues du continent noir qui ont droit de citer dans le hall consacré au langage humain. L’idée est de montrer que les interrogations sur nos origines, notre histoire et notre avenir sont universelles. Pour rendre accessible ce message, les visites sont aussi contées. Des dispositifs et des animations répondent à des besoins spécifiques. Ainsi, qu’on soit mal entendant, non voyant ou même lorsqu’on vit avec un handicap mental, les travailleurs ont tout prévu pour qu’on y trouve son compte. Ce besoin de faire partager la diversité de l’homme trouve son sens dans les mots du journaliste scientifique français Luc Allemand. « Quand on voit ces expositions, on se dit qu’il faut faire visiter davantage le musée. Dans ce contexte de méfiance, d’extrémisme et d’amalgame, je suis heureux d’accueillir des journalistes étrangers. Je veux que vous retourniez chez vous avec une image positive de la France. Je suis peiné par la montée du front national », nous confiait plus tôt, ce confrère sur l’esplanade du Musée. Luc Allemand qui capitalise plus de vingt ans de plume, fait allusion aux résultats du premier tour des élections régionales, tombés au soir du dimanche 6 décembre.

Le Front National, parti politique de l’extrême droite, avait raflé la victoire dans plusieurs régions. Cette formation prône, entre autre, le rapatriement des étrangers, et la préférence nationale. Dans l’opinion française, cette montée est mise sur le compte de la peur née des attentats du 13 novembre dernier. Depuis les attaques islamistes où plus de 100 français ont péri, les actes racistes se sont multipliés. Si vous êtes de peau noire ou arabe, ou bien si vous portez le voile intégrale, vous n’êtes pas toujours vu d’un bon œil. Alors le long de la visite guidée, Luc Allemand s’évertue à changer la donne. Il positiviste. Il relativise aussi. « Ceux qui font les amalgames n’ont rien compris. Il faut que des innocents cessent de payer pour des criminels », tranche-t-il.

L’apologie de la diversité humaine

Cet après-midi-là, nous ne sommes pas qu’avec Luc. Antoine Balzeau, paléoanthropologue passionné en service dans le Musée, s’est joint à notre équipe. C’est lui qui donne plus de détails sur les découvertes qui ont permis d’obtenir tous ces objets. Même quand il dit ne pas faire de la politique, M. Balzeau a du mal à se démarquer de notre premier interlocuteur. « Nous présentons la vérité des faits. Les hommes ont une origine commune malgré leurs différences. Notre objectif n’est pas d’influencer les positions car chacun est libre de ses commentaires », indique-t-il. Toutefois, au lendemain des attentats de Paris, le paléoanthropologue qui anime un blog sur internet, a fait rédiger un texte rassembleur. Ce texte est intitulé « D’où viennent les hommes qui peuplent la France ». Dans le script, l’expert explique qu’une population n’a jamais une seule origine. « Elle est le résultat de migrations, de métissage en cours depuis des centaines de milliers d’années. » Antoine Balzeau note cependant que des visiteurs ne sont pas toujours d’accord avec le message véhiculé. Que peut-on pour ceux qui ont choisi de se recroqueviller sur leur moi ? L’histoire est là, nue, têtue…

Par ailleurs, au-delà de l’histoire et de la science, la disposition des objets demeure artistique. Elle est colorée des richesses des cinq continents. Ouvert en 1937, le Musée a été fermé en 2009 pour réfection. François Hollande, le président français l’a rouvert le 17 octobre dernier. Le sanctuaire de l’homme est rattaché au Musée national d’histoire naturelle, avec pour mission de conserver des collections, de mener des recherches scientifiques et de diffuser des connaissances. Paul Rivet et Georges Henri Rivière, les fondateurs, y développent le concept de « musée laboratoire ». Aujourd’hui dans le sous-sol, plus de 200 chercheurs et étudiants y accomplissent des activités de conservation, d’expertise, d’enseignement et de diffusion auprès du public. Ce sont des spécialistes en sciences naturelles, en sciences humaines et en sciences sociales. Ils collaborent par une approche transdisciplinaire de la biologie et des environnements, des cultures et des sociétés pour comprendre la diversité et l’évolution de l’homme. Munie de notre carte de presse, nous avons le privilège de nous retrouver sur la dalle du deuxième étage. De cette vision panoramique, on peut admirer la ville lumière pendant que le ciel s’assombrit. Sur cette note gaie et avec le sentiment d’avoir côtoyé de près la diversité humaine, nous prenons congé du lieu. Mais l’envie d’y retourner prochainement ne nous quitte guère.

Nesmon De Laure, envoyée spéciale à Paris.

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